Financer une reprise d’entreprise : avis d’expert

Financer une reprise d’entreprise est source d’un certain nombre de croyances et de préjugés qu’il me semble important de débunker, autrement dit de démythifier. Dans ce but, j’ai interviewé un expert : Jean-Christophe Paris, à la tête de MasterPme, institut de formation et de conseil pour dirigeants. En activité depuis 15 ans en France, il a également travaillé aux États-Unis et au Moyen-Orient pour des sociétés privées, des fonds d’investissement et des family offices. Il accompagne maintenant les chefs d’entreprise depuis 2012 pour mettre en place des financements pour leurs propres sociétés ou des stratégies de croissance. Il faut savoir qu’à l’heure actuelle, chaque entreprise ne dispose que de trois moyens pour faire de la croissance : la croissance interne, la croissance externe et le système de joint-venture ou co-entreprise, très peu utilisé en France et d’une manière générale en Europe. Voici l’article issu de cette entrevue fort enrichissante et éclairante.

Comment financer une reprise d’entreprise ?

Chaque cas est particulier, mais l’on peut citer 8 moyens de financer une reprise d’entreprise :

  1. le crédit bancaire classique ;
  2. le financement alternatif, c’est-à-dire en passant par des fonds qui vous financent comme une banque sans prendre du capital dans votre société ;
  3. les fonds en private equity qui abondent de l’argent en contrepartie d’une prise de capital au sein de votre société, généralement une holding, dont ils partagent la gouvernance ;
  4. le crédit vendeur ;
  5. les clauses de earn out corrélées aux résultats que le cédant s’est engagé à obtenir pendant une certaine durée ;
  6. les apports ;
  7. le financement des créances ;
  8. le financement de stocks.

Nombre de personnes sous-estiment ces systèmes par manque de connaissance et pensent que la banque est la seule solution de financement.

Quel est l’état de la liquidité du crédit bancaire pour les entreprises ?

D’une part, les banques n’ont jamais eu autant d’argent qu’aujourd’hui. Elles ne le disent pas, mais le montant d’épargne des Français sur la dernière année est révélateur. Ce sont des centaines de milliards d’euros thésaurisés qui ne sont pas investis dans l’économie réelle. D’autre part, avec le covid, elles ont réduit le financement pour certains secteurs d’activité et supprimé celui d’autres secteurs extrêmement impactés : les restaurateurs, les hôteliers, les centres de loisirs, l’aérospatiale, etc. En revanche, la liquidité bancaire se porte très bien, mais est très peu utilisée.

Aujourd’hui, les banques ne prêtent plus : vrai ou faux ?

C’est faux dans le sens où les banques prêtent avec l’appui de la BPI (Banque publique d’investissement), bénéficiant ainsi de 90 % de garantie. Elles prêtent également à des entreprises in bonis – en bonne santé financière – depuis longtemps, même si ces entreprises subissent des pertes d’activités assez importantes évaluées sur plusieurs mois de chiffre d’affaires.

En revanche, ce qui est vrai, c’est que les banques ne financent plus du tout certains secteurs d’activité ou des entreprises qui sont dans des secteurs finançables, mais dont les ratios de solvabilité ne correspondent pas à la norme.

Quelles sont les alternatives au financement bancaire ?

Il y a cinq ans, une option a été lancée avec succès : le financement alternatif. Il s’agit de financement comme une banque, mais sans une banque. Le véhicule juridique qui permet à une société d’être financée, ce ne sont pas des actions prises par des fonds d’investissement ou un emprunt bancaire, mais un emprunt obligataire. Il va donc y avoir une émission d’obligations par la société financée par un fonds alternatif qui, en contrepartie, récupère les obligations rendues à la fin du contrat.

Est-ce que tous les projets sont finançables ?

Absolument pas. Depuis le covid, il y a tout un pan de l’économie infinançable avec des fonds alternatifs et des banques. Un fonds en private equity ou un family office, par appétence ou par connaissance du marché, va vouloir investir dans un secteur aujourd’hui sinistré. Dans quelques mois, ce secteur-là va reprendre de la vigueur et comme le prévoit le ministère de l’Économie, la croissance globale française en 2021 devrait être de 5 %. Celle-ci était à la traîne entre 1,2 et 1,5 % en 2019. L’on se situe donc très au-dessus des taux de croissance de ces cinq dernières années, en raison du retard qui a été pris.

Voici quelques exemples de projets qui ne seraient plus finançables aujourd’hui : un centre de vacances, un gîte, une maison d’hôtes, une société de relations presse, une agence de marketing, les hôtels et restaurants, l’aéronautique, l’aérospatiale, etc. Une vingtaine de secteurs sont sinistrés en termes de sources de financement bancaire et alternatif.

Quelles sont les solutions offertes pour les secteurs en difficulté ?

Il faut toujours continuer à vouloir faire de la reprise et de la croissance. Cependant, les sources de financement ne se trouvent pas en France, mais en Belgique, à Genève, en Suisse ou au Luxembourg. Ces solutions sont entièrement bordées, légales, officielles et européennes. Vous avez la possibilité de faire des financements par de la fiducie en sécurisant des actifs et en vous basant sur une valeur équivalente à un tremplin pour un futur financement.

Des effets de titrisation permettent d’intégrer un actif dans une société européenne de titrisation. Celle-ci crée un petit compartiment dans le fonds afin de transférer la propriété de l’actif sur lequel réaliser un financement. L’avantage de cette opération qui n’existe que pour le coprofit des banques en France, c’est d’utiliser un outil de titrisation pour lever de l’argent sur le cash-flow futur d’une société. Cette technique, très peu connue des dirigeants de PME qui réalisent moins de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires, devrait être applicable en France en septembre 2021. 

Ces solutions sont non seulement viables, mais elles existent et se développent. Il y a des investisseurs qui maîtrisent le modèle économique et les taux de rentabilité minimum des secteurs d’activité en détresse. Ils peuvent donc très facilement sélectionner de nouveaux projets sur lesquels investir à partir du moment où ils ont six mois ou un an de trésorerie devant eux pour permettre à l’entreprise d’être financée et de croître.

Quels sont les critères et les ratios pris en compte par les financeurs ?

Les fonds, les banques, les fonds alternatifs, les family offices ou les investisseurs privés logés dans un fonds qualifié observent les 4 critères suivants :

  1. la taille du chiffre d’affaires : la taille critique minimale est de 1 million d’euros ;
  2. le ratio dette sur EBITDA (l’excédent brut d’exploitation, EBE) ;
  3. la dette sur fonds propres ;
  4. le résultat net sur les trois dernières années – au minimum à 0 ou positif – et les fonds propres positifs.

Ces quatre critères sont le tronc commun aux huit types de financement possibles. Par contre, cela n’inclut pas le love money, plutôt basé sur la relation. Il s’agit pour un investisseur privé de mettre de l’argent sans passer par une structure juridique et financière, comme un fonds d’investissement ou un fonds alternatif, pour pouvoir piloter son investissement dans la société. Les huit solutions précitées sont structurées, agréées notamment AMF ou Orias et sécurisent tous les investisseurs de manière à financer les sociétés qui respectent certains critères. Or, elles sont méconnues de la plupart des entreprises qui ont besoin d’argent. Elles n’y ont donc pas accès.

C’est la raison pour laquelle MasterPme propose un ensemble de prestations et de formations qui permettent à des dirigeants d’instaurer un écosystème de croissance. On peut ainsi établir des financements de stock inversé, y compris pour des entreprises qui ne sont pas in bonis. Par exemple, une société qui vend des équipements de bricolage ou de la climatisation, même déficitaire, peut bénéficier de financements de stock pour prendre des commandes supplémentaires, payer ses fournisseurs par un institut financier et se développer.

Est-il indispensable de faire un apport lorsque l’on reprend une entreprise ?

Il y a deux distinctions à faire :

  • Le financement hors reprise d’entreprise ou hors refinancement de compte courant d’associé

Quand une PME demande un financement dans ces cadres-là, la plupart des organismes en financements alternatifs n’exigent ni caution, ni garantie, ni hypothèque, ni nantissement. En contrepartie de cette non de prise de garantie, leur taux de financement est plus important que celui des banques. Cela étant dit, si le taux de croissance est de 10 % et le financement des achats ou des investissements à 2 % ou à 4 %, il faut accepter les offres sans hésiter.

  • Le financement avec un apport

En général, il n’y a quasiment pas de caution dans la reprise d’entreprises, mais un apport qui correspond à 30 % de 30 % du financement. C’est-à-dire que quand une banque demande entre 20 et 40 %, avec les fonds alternatifs, en étant très prudents, l’on vous réclame entre 9 et 10 % d’apport de la totalité du financement. L’apport avec les fonds alternatifs est donc extrêmement diminué.

Maintenant, il y a une autre technique qui évite l’apport financier requis par les fonds alternatifs. C’est une solution d’assurance qui permet de financer l’apport sans apport numéraire, mais avec la crédibilité de l’institut d’assurance sélectionné. Cela se développe de plus en plus.

Quel regard porter sur la situation macroéconomique actuelle avec la crise sanitaire ?

La première observation, c’est qu’effectivement les dépôts de bilan vont augmenter. La société Euler Hermes évalue le nombre de dépôts de bilan à 50 000 en 2021 contre 20 000 en 2020 et 18 000 en 2019. En 2022, il y en aura plus de 60 000. Donc à première vue, la crise sanitaire va provoquer massivement des dépôts de bilan.

Toutefois, depuis les années vingt, l’humanité a subi au minimum quatre grandes crises financières majeures pendant lesquelles les opportunités n’ont jamais été aussi nombreuses. La situation actuelle va générer et génère déjà des occasions favorables à la reprise d’entreprises à des niveaux de valorisation beaucoup plus bas et des actifs qui n’ont pas perdu de valeur. En revanche, le taux de croissance de ces entreprises va être plus important qu’avant leur reprise.

Il va donc y avoir des dépôts de bilan, mais il faut utiliser cette période de crise pour s’appuyer dessus et étudier toutes ces opportunités.

Quels sont les outils financiers mis à disposition des PME ?

Aujourd’hui, les PME peuvent avoir accès à :

  • L’émission obligataire : un instrument financier et juridique jusqu’alors dédié et réservé aux ETI (entreprise de taille intermédiaire) ou à de grands groupes.
  • Des outils basés sur des critères d’éligibilité : le nombre d’années d’existence de la société, son niveau de fonds propres et son taux de rentabilité.
  • Des instruments juridiques et prudentiels liés à des assurances.

Dorénavant, plus rien ne s’oppose à ce qu’une PME soit finançable par des modes inconnus de leur propre expert-comptable.

MasterPme : l’expertise d’une équipe au service des dirigeants

MasterPme propose un accompagnement en trois étapes dont la première vous est offerte. En répondant à un questionnaire, vous obtenez un score qui détermine le potentiel de financement de votre société ou pas. Ensuite, il y a un entretien d’environ 30 minutes, quel que soit le résultat, pour identifier ce qui ne fonctionne pas, ce qui n’a pas été fait et ce qui aurait dû l’être pour valoriser la société. À peu près 80 % des dirigeants d’entreprise ignorent qu’ils sont notés trois fois en plus de la note de la Banque de France. Or, s’ils ont une bonne évaluation de la Banque de France, mais une mauvaise note en termes de solvabilité court terme, leur demande de financement de stock sera refusée.

À retenir

  •  La banque n’est pas le seul moyen de financer une reprise d’entreprise.
  • Les solutions de financement sont nombreuses, même pour les secteurs en difficulté.
  • La crise sanitaire n’est pas un frein à la reprise, au contraire.
  • Entourez-vous d’experts qui appliquent les stratégies qu’ils proposent, tels que Jean-Christophe ou moi-même.